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Photographie

David Goldes

Natures mortes

David Goldes est photographe américain représenté par la galerie Yossi Milo à New York, que l’on retrouve dans les collections importantes : MOMA, Walker Art Center, Bibliothèque Nationale à Paris, Art Institute of Chicago, Museum of Fine Arts à Houston, Yale University Art Museum et Whitney Museum of American Art.

Les choses sont silencieuses et nous voulons les faire parler.
Le regard veut voir. C’est pourquoi nous projetons des dragons et des figures dans les nuages, ou encore dans les veines de certaines pierres. Les choses sont le support de notre vouloir évoquer, le support de notre bile noire parfois, de notre mélancolie. Elles sont les métaphores du manque, du manque de manque quand c’est le dehors qui fuit. Les images de David Goldes portent ce manque des choses en manque d’elles-mêmes dans la senne qui ne les a pas retenues : les rets furent pétrifiés dans l’absence même. Le regard jette un filet sur ce qui reste du rien et l’illusionniste fait montre de quelque chose là où il y a autre chose ou bien rien, ainsi que le drap blanc nous dit le fantôme.

David Goldes, Mesh objects (After Cézanne 1), 2005.
From Trace. Photographie © David Goldes.
Courtesy Yossi Millo Gallery, New York.

Faire bruire le silence, ce que cherchaient Jean-Siméon Chardin, Paul Cézanne et tant d’autres, là où il n’y a pas de visage, pas de présence de l’humain... Une affaire de solitaire, de misanthrope, une trace de blessure.
Cézanne avait besoin de tellement de temps pour peindre ses natures mortes que les fruits pourrissaient avant que la toile ne fut achevée. Il utilisa alors des fleurs et des fruits artificiels.
Giorgio Morandi, reclus dans son appartement de la via Fondezza à Bologne, estimait que « rien ne peut nous paraître plus irréel ou abstrait que ce que nous voyons de nos propres yeux et nous savons que tout ce que nous percevons du monde objectif, en tant qu’être humain, n’existe pas vraiment tel que nous le voyons et le comprenons ». Avant de les peindre sur la toile, il recouvrait d’abord de peinture les objets qu’il allait représenter et laissait le temps de la poussière les recouvrir, comme pour effacer leur singularité.

David Goldes, Mesh Objects (After Cézanne 2), 2005.
From Trace. Photographie © David Goldes.
Courtesy Yossi Millo Gallery, New York.

L’illusion réside en ce que, dans les photographies de David Goldes, je vois des fruits, je vois de l’eau dans le broc. Dans le vouloir-voir du regard s’emplit le réel. Le monde se charge en image où le vivre est possible. Ce que je veux voir se projette, mais pourquoi ai-je cette volonté de regard, pourquoi quelque chose veut sortir de moi par les yeux pour aller se prendre dans le dehors ? De quoi est-ce l’expérience ? D’un vide du monde ? Ou bien moi-même suis-je si vide que je ne cherche qu’à emplir ma tête d’images parce que c’est seulement cela qu’elle peut contenir ? Quelque chose veut sortir de moi que je nomme regard, qui veut prendre quelque chose de la chose et le ramener à moi, ce que la main ne peut faire. La main prendrait la chose, mais ce n’est pas cela que je cherche. La main ne prend pas d’images. Le regard veut prendre, mais d’une autre manière : donner du sens avant la prise, pour enfin devenir déprise. Donner du sens, un oxymore de direction dans l’aller qui est retour. Le regard prend de la présence pour en faire de l’absence : ce ne serait que cela faire une image, parce que l’absence est plus présente que la présence et qu’on y est désespérément, ontologiquement, seul. Faire des images est une maladie du manque-à-être du réel où sourd le silencieux cri du vide originel. Regarder, c’est enserrer l’absence, prendre conscience que la fabrication d’illusions ne sert à rien sauf à convoquer la parole parce que celle-ci est le lieu symbolique d’un échange alors qu’une image ne s’échange pas. Une image n’existe pas vraiment, elle est le lieu multiple où chacun voit quelque chose qui n’y est pas et qu’il apporte de lui-même.

David Goldes, Mesh Objects (After Cézanne 5), 2005.
From Trace. Photographie © David Goldes.
Courtesy Yossi Millo Gallery, New York.

De Chardin à Goldes, les choses sont nostalgiques et cherchent à nous parler, par le biais de l’œuvre, de leur visage perdu. Le regard est un pêcheur sur le rivage, il jette un filet de vouloir-voir et ne ramène rien que les mailles tendues d’absences.

Arthur Kopel


Visitez également le site officiel de l’artiste David Goldes :
www.davidgoldes.com